07 Mai 2023

Comment ne pas se laisser impressionner par la culture, les références et le name dropping des autres ?

La culture est un élément central dans la construction de notre identité et de notre place dans la société.

Si nous développons tous des gouts, préférences artistiques et culturelles de façon plus ou moins libre au cours de notre existence, on comprend assez rapidement que tous ces gouts ne se valent pas en société, et que certains sont considérés comme supérieures à d’autres.

Chacun peut le constater autour de soi au quotidien, les gouts artistiques, les auteurs appréciés, les célébrités encensés par les élites d’un pays, dans les médias ou par certaines institutions, sont parfois éloignés de notre sensibilité naturelle. Nous méconnaissons souvent même de façon quasi totale des auteurs qu’il serait bon d’avoir lu, ou des formes d’arts considérées comme relevant du génie, alors que celles-ci nous apparaissent comme complètement obscures.

A tel point que certaines conversations, certains articles de presse ou post sur instagram peuvent parfois nous mener à penser que nous ne maitrisons pas les codes, que nous manquons de connaissance, ou que nous ne sommes pas capables d’apprécier certaines oeuvres d’opéra ou de littérature considérées pourtant comme le graal de l’intelligence ou de la noblesse de l’humanité. Ce qui justifierait au fond, notre position sociale ou en tout cas légitimerait le fait que certains disposent de positions d’exposition ou de pouvoir supérieures aux notres.

Le souci c’est que les gouts et les couleurs ont assez peu à voir avec les seules préférences personnelles des uns ou l’ignorance des autres.

Selon le sociologue Pierre Bourdieu, la culture n’est pas seulement un moyen d’expression individuelle, elle est aussi et surtout un outil de domination sociale.

Dans son ouvrage « La Distinction », il montre comment les goûts culturels et les pratiques esthétiques sont utilisés pour marquer la différence entre les classes sociales et pour légitimer la domination symbolique d’une classe sur une autre.

Bourdieu soutient que les membres des classes supérieures ont tendance à avoir un plus grand capital culturel, qui leur permet d’acquérir les connaissances, les compétences et les pratiques nécessaires pour apprécier les formes d’art et de culture les plus valorisées dans la société. Ce capital culturel leur donne ainsi un avantage symbolique sur les membres des classes inférieures, qui sont souvent exclus de cet univers culturel ou qui n’ont pas les ressources nécessaires pour y accéder.

En outre, Bourdieu affirme que les membres des classes supérieures utilisent leur capital culturel pour se distinguer des autres classes et pour légitimer leur position dominante. Par exemple, en valorisant certaines formes d’art et de culture et en dévalorisant d’autres, ils créent ainsi des frontières symboliques qui distinguent leur groupe des autres et renforcent leur statut social.

En somme, pour Bourdieu, l’usage du capital culturel dans la distinction sociale n’est pas seulement une question de goûts personnels, mais plutôt un enjeu de pouvoir symbolique et de légitimation de la domination sociale.

Bourdieu explique que les membres des classes supérieures ont tendance à valoriser certaines formes de culture comme étant universelles, alors qu’en réalité ces formes de culture sont en grande partie déterminées par les goûts et les préférences de la classe dominante.

Bourdieu soutient que des formes de culture, telles que la musique classique, les beaux-arts, la littérature et le théâtre, sont perçues comme étant supérieures aux formes de culture appréciées par les classes inférieures, telles que la musique populaire, la bande dessinée et les films populaires.

Selon Bourdieu, cette valorisation des formes de culture dominantes est le résultat d’un processus de distinction sociale. Les membres des classes supérieures cherchent à se distinguer des membres des classes inférieures en valorisant des pratiques culturelles qui sont perçues comme étant plus nobles et plus raffinées. De cette manière, ils peuvent renforcer leur position sociale et légitimer leur domination sur les classes inférieures.

En ce sens la culture, le beau, le bon, n’est pas réellement une hiérarchisation factuelle mais surtout une question de choix, on apprécie ce qui nous distingue, et on déprécie ce à quoi les classes inférieures accordent de la valeur. En somme, il n’y a de goût que par dégoût de ceux des autres, ceux envers lesquels on souhaite se distinguer.

Bourdieu explique, par ailleurs, que la culture dominante est en grande partie façonnée par les institutions culturelles, telles que les musées, les écoles d’art et les théâtres, qui sont contrôlées par les membres des classes supérieures. Ces institutions sont responsables de la sélection et de la promotion des artistes et des œuvres d’art, ce qui leur permet de renforcer leur influence culturelle.

 

En tant qu’orateur, en entreprise ou en société vous serez surement amenés à partager des opinions, des centres d’intérets, des goûts personnels, et par conséquent, à écouter les autres exprimer leur préférences, et positionner de façon statutaire leurs références, leur vocabulaire, ou faire du name dropping d’artistes, d’intellectuels ou d’oeuvres que vous ne maîtrisez pas, de façon à marquer leur territoire et tenter de démontrer une certaine supériorité sociale.

Pour réussir à éviter ces pièges qui peuvent vous être tendus, il est important de ne pas se laisser impressionner par le capital culturel des autres.

Il est essentiel de commencer par reconnaître que la culture est un outil de domination pour maintenir un rapport de force équilibré avec ceux qui souhaiteraient vous inférioriser, identifier les éléments culturels qui contribuent à la domination et de les contester.

Pour cela, en évitant d’adopter les gouts des dominants ou essayer de maîtriser toute la palette d’options culturelles de ceux-ci, ce qui vous ferait indéniablement vous perdre dans un jeu où les règles auront été dictés par ces derniers, commencez par prendre conscience de la manière dont la culture est utilisée pour maintenir les mécanismes distinctions sociales. Il est tout aussi important d’apprendre à identifier les normes culturelles qui sont imposées par les classes dominantes et à remettre en question ces mêmes normes.

Cela ne signifie pas que vous devez abandonner la culture ou rejeter toutes les formes de culture imposées. Au contraire, il est important de reconnaître la valeur de toutes les formes de culture et de les apprécier pour leur propre mérite, mais surtout être capable d’identifier les courants philosophiques, culturels et intellectuels cités par vos interlocuteurs, et les intérêts sous jacents à certaines préférences de ceux-ci, pour être en mesure de démistifier ces choix culturels, ne pas se laisser impressionner par le capital culturel des autres, maintenir un rapport de force équilibré avec les dominants, et savoir leur expliquer ce processus le cas échéant.

 

Michael Dias
m.dias@spitchconsulting.com

Fondateur de Spitch, Storyteller, Speaker, Coach de Dirigeants et grand passionné de Présentations. ll est professionnellement issu du Marketing et de l’univers de la Téléphonie Mobile.   Retrouvez le sur Twitter et Linkedin !



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