Souvent, lors de nos formations, je pose la question suivante aux participants, quel est l’objectif d’une prise de parole en public ? Pourquoi faites-vous des présentations ?

Sans surprise, la plupart des participants répond qu’ils/elles prennent la parole pour présenter des informations.

Si l’on présente à l’oral en effet pour partager des infos avec son public, la réponse demeure cependant assez incomplète. Il manque en effet la notion de persuasion, qui est centrale dans toute bonne prise de parole en public ou face caméra.

De façon consciente ou inconsciente, si on prend la parole c’est pour convaincre notre public de l’intérêt de nos idées, produits, projets ou services. Et influencer sa prise de décision, soit-elle d’acheter notre produit, de nous faire confiance sur ce projet, appliquer nos recommandations, etc…

Il ne s’agit donc pas juste de présenter des informations, des updates, et que nos interlocuteurs se débrouillent avec ces infos. Mais à l’inverse, de partager une argumentation, une vision du monde, alimentée par ces informations, de façon à ce qu’ils/elles prennent une décision que l’on aura réussi à orienter.

En effet, de nombreuses études démontrent que 40% de notre temps de travail est consacré à convaincre ceux qui nous entourent, collègues, responsables, fournisseurs, prestataires, clients, investisseurs, etc…

Réussir à convaincre et persuader notre public est donc indispensable pour réussir toute présentation.

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Alors comment faire pour influencer les prises de décision ?

A cette question, on me répond souvent qu’il est nécessaire de démontrer que l’on a des arguments capables de changer les opinions de notre public.

Et c’est vrai, il est nécessaire de changer l’opinion de notre public de façon à ce qu’il soit convaincu de la qualité de notre produit, de notre sérieux lors de la conduite de notre projet, de la rentabilité de notre startup etc…

Mais si ce travail sur l’opinion est essentiel il n’est cependant pas suffisant.

En effet, on peut être convaincu que le tabac est nocif pour la santé, d’un point de vue scientifique cela ne fait aucun doute, cependant nombreux d’entre nous continuent de fumer plusieurs cigarettes chaque jour.

Même chose pour le plastique. On est tous convaincus que la production de plastique est mauvaise pour la planète, et pourtant on continue d’en remplir nos caddys.

Pourquoi ? essentiellement parce que l’on n’est pas assez investis émotionnellement pour changer nos propres comportements.

En effet, en matière de prise de décision, la raison et l’émotion vont de pair.

Le premier à en avoir fait la démonstration c’est Aristote, qui, il y a plus de 2000 ans, nous disait que « l’on ne rend pas les jugements de la même façon selon que l’on ressent peine ou plaisir, amitié ou haine. »

Pour Aristote, en effet, pour qu’un récit soit persuasif, il fallait 3 éléments, le fameux triptyque « ethos, logos, pathos ».

L’éthos c’est notre façon de démontrer notre crédibilité. En tant qu’orateur, on se présente, son nom, son parcours professionnel, ses compétences, son pedigree… en gros, on prouve à notre public que l’on est légitime sur le sujet sur lequel on s’apprête de prendre la parole et que l’on mérite sa confiance.

Le logos, c’est la construction d’un argumentaire logique, capable de convaincre de l’intérêt de nos idées. Et généralement nous le faisons tous, à l’aide de déductions logiques, de chiffres, de preuves tangibles, de démonstrations par l’exemple etc…

Enfin le pathos, c’est l’émotion. Être capable de créer un lien émotionnel avec son public, en étant empathique, divertissant, jovial, altruiste, en partageant des expériences, en faisant appel aux ambitions et aux craintes du public également.

Et cela on le retrouve beaucoup moins dans les présentations du quotidien, surtout en France et c’est forcément une erreur.

Car depuis 2000 ans la science à largement abondé en ce sens.

Dans un très beau livre nommé « l’erreur de Descartes », le neurologue Antonio Damasio, démontrer au combien les émotions jouent un rôle centrale dans les prises de décisions, à l’inverse de ce que croyait en son temps le philosophe Descartes.

Damasio partage notamment l’histoire de l’une de ses patientes qui, après avoir subi un accident de la route, a vu son cerveau abimé, et la partie responsable des émotions de gravement atteinte.

Cette patiente est donc devenue difficilement capable de ressentir des émotions.

Lors de son expérience, Damasio lui propose de réaliser un petit jeu, dans lequel la patiente doit, pour une situation donnée, peser le pour et le contre et prendre une décision.

Sans surprise, celle-ci peut passer des heures à penser le pour et le contre, et à aucun moment celle-ci ne peut prendre sa décision. Tout simplement parce qu’elle n’est pas capable d’être investie émotionnellement, du part sa condition.

Damasio nous le dit, l’émotion joue donc un rôle central et sans émotions pas de prise de décision.

Ainsi, si l’objectif de toute bonne présentation c’est de convaincre de l’intérêt d’une idée, et persuader son public de prendre une décision, il est donc indispensable d’ajouter des affects à votre discours pour le rendre persuasif.

L’objectif d’une bonne prise de parole est donc de faire passer votre public de la réflexion à l’action, et pour cela vous devez envisager votre discours comme un parcours émotionnel dans lequel, aux arguments rationnels (le logos) vous allez devoir y ajouter des affects (le pathos) pour renforcer le caractère persuasif de votre message.

Des affects positifs tout d’abord, lorsque vous démontrerez par l’empathie, l’humour ou les histoires, que vous êtes quelqu’un de sympathique, d’agréable et d’altruiste. Mais également en vous montrant riches en solutions pour votre public, en partageant un certain enthousiasme lorsque vous présentez les solutions que vous avez à lui proposer et en démontrant en quoi ces mêmes solutions peuvent permettre à votre public d’atteindre ses propres ambitions personnelles et collectives.

Et puis il faudra également ajouter des affects négatifs. Évoquer des risques, diagnostiquer les craintes de votre auditoire, mentionner des possibles antagonismes (mon ennemi est la finance disait Hollande).

Cette balance affects positifs / négatifs est essentielle, tout autant que ce binôme opinion/ émotion.

Car un travail sur l’opinion seul ne permet pas de changer les comportements comme on l’a vu. Et un travail sur l’émotion seul, permet d’influencer les prises de décision, mais à terme crée un sentiment de manipulation chez les personnes visées. Et c’est forcément une erreur que tout bon orateur se doit d’éviter.

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