Pour convaincre un public vous avez le choix de le faire rire, pour rendre vos idées mémorables, de lui faire peur, pour capter son attention plus facilement ou encore faire appel à ses ambitions pour le motiver à se surpasser.

Parmi ces différents registres codifiés par les règles de la rhétorique et ce bien avant Aristote, il existe des nuances plus démagogiques que d’autres.

Depuis quelque temps on assiste dans la presse, dans la publicité ou parmi les orateurs de renom, à la généralisation de 3 types de discours hautement manipulateurs et qu’il convient de fuir si on tient à notre intelligence ainsi qu’à notre santé mentale, tant ils représentent des excès qu’il est urgent d’apprendre à identifier.

 

Petit décryptage :

 

LA PEUR : OU COMMENT CONVAINCRE SON PUBLIC EN L’EMPÊCHANT DE RÉFLÉCHIR 

PEUR

C’est le discours le plus utilisé par la presse et les politiques, notamment, de nos jours. Balayez votre feed de news et vous vous rendrez compte que 80% des articles font aujourd’hui appel à notre peur primitive du danger.

Attentats, maladies, chômage, insécurité, ces thématiques sont omniprésentes, et si le droit à l’information en est prétexte, cela n’en demeure pas moins un choix stratégique.

Plus l’être humain se laisse affecter par la peur et moins il est en mesure de réfléchir, de faire le bon diagnostic, de poser les bonnes questions et demander les comptes à ceux qui en sont les responsables.

La peur c’est la façon la plus efficace de capter l’attention et convaincre un public, celui-ci restant figé par instinct animal et par crainte de ne pas réussir à anticiper les conséquences négatives qu’on lui assène.

Comme le disait Einstein : « la peur bloque la compréhension intelligente de la vie ». Ethiquement parlant, utiliser la peur revient donc à insulter la rationalité de son public et à lui forcer la main avec « brutalité » intellectuelle.

Alors, à chaque fois que vous regarderez un reportage, lirez un article ou assisterez à un discours faisant appel à la peur, sachez que ce n’est pas forcément pour votre bien que l’on vous informe des risques, mais essentiellement pour vous empêcher de réfléchir et vous convaincre sans effort.

 

L’Amour ou l’enfumage des #lovewhatyoudo #dowhatyoulove #lovinglifealways

AMOUR A première vue on ne comprend pas très bien pourquoi les discours vantant les mérites de l’amour seraient dangereux.

On retrouve l’amour dans les grandes œuvres de la littérature, l’amour c’est ce qui nous unit, nous rassemble. L’amour des autres, l’amour pour ce que l’on fait, c’est même à mon sens la seule chose qui importe ici bas.

Le souci justement c’est que la publicité l’a très bien compris.  A force de vouloir convaincre par l’émotion on ne compte plus les pubs vantant l’amour du service, l’amour du travail bien fait, l’amour du prochain comme seule motivation commerciale.

L’amour est même devenu la solution à tous les problèmes.

Nombreux sont les politiques et orateurs motivationnels qui après avoir énoncé une série de problématiques, finissent par dire que l’amour est la solution qu’ils préconisent.

Alors forcément, trop d’amour tue l’amour. Avoir recours à ce type de discours est hautement manipulateur. On souhaite valoriser le prospect en créant de l’empathie artificielle, qui vient l’empêcher de réfléchir et annule son esprit critique envers ce qu’on lui propose.

Cette banalisation de l’amour est un signe de manque de solutions.

A chaque fois que vous identifierez dans une publicité, un article de presse ou une conférence ce type d’artifice persuasif, passez donc votre tour !

 

L’insuffisance : ou la frustration à vocation stigmatisante

INSSUFISANCE Les discours de l’insuffisance se généralisent.

L’insuffisance se sont toutes ces publicités qui vous comparent à des exemples exceptionnels de réussite. C’est toute la presse motivationnelle qui vous dit que le monde va vite, qu’il faut rester ultra compétitif. Ce sont les bloggeurs qui vous encouragent à devenir une meilleure version de vous même. Ce sont aussi tous ces discours qui vous expliquent comment vous faites tout à l’envers, sans le savoir et ce depuis des années.

C’est à mon sens le type de discours le plus cynique et pernicieux.

Le ton est généralement bien veillant, on souhaite inspirer le progrès individuel, on dit que si on arrive à changer la vie d’une seule personne, notre mission sur terre aura été réussie.

Motiver les gens à améliorer leur alimentation, se former à de nouvelles compétences, vouloir s’inspirer de cas à succès ne peut avoir que du bon n’est-ce pas ?

En fait, pas vraiment.

Ce type de discours est en train de développer progressivement un sentiment de culpabilité et d’insuffisance chez les nouvelles générations, notamment.

A force d’ériger l’exceptionnel en norme, on nous fait vivre dans la comparaison permanente. La ruée vers l’ultra compétitivité, signifie aussi et surtout que si si vous ne suivez pas la cadence vous subirez le déclassement. Et motiver à devenir une meilleure version de soi même c’est aussi et surtout nous faire consentir à une certaine infériorité.

Ce discours de l’hyper compétitivité a insidieusement pour principal objectif celui de créer une pression sociale supplémentaires, qui promeut la responsabilité individuelle au détriment de toute responsabilité collective, sociale, de classe ou hiérarchique.

Personne ne peut vivre heureux en se comparant en permanence. Personne ne peut à la fois être un « work aholic », se former, lire, faire du sport, et puis en même temps aller chercher ses enfants à l’école, passer du temps avec eux, cuisiner sainement et vivre l’amour pleinement au quotidien.

Cela crée forcément des frustrations naturelles ici et là, qui en plus de créer une responsabilisation individuelle viennent en sus provoquer des besoins consuméristes de compensation non réfléchis.

Alors la prochaine fois que vous verrez ce type de discours, et ce ne sera sûrement pas plus tarde que tout à l’heure, ne vous laissez pas impressionner et restez comme vous êtes.

 

Vers la nécessité d’un code déontologique des communicants

Le soucis dans la communication de nos jours, c’est que la grande majorité des communicants écrivent et parlent comme ceux qu’ils admirent. Ce qui fait que la plupart d’entre eux utilise ces registres (peur, insuffisance, amour) sans même être conscients des idéologies sous jacentes.

Ils le font par mimétisme rhétorique et par bienveillance même parfois, convaincus que l’inspiration qu’ils peuvent susciter n’a que du bon, que l’information des risques est nécessaire, que l’amour est notre seul salut.

Il est donc urgent de faire émerger un code éthique, déontologique pour tous les communicants. On ne peut pas avoir autant d’influence, biaiser de façon aussi massive les opinions sans se responsabiliser des conséquences que certains types de discours provoquent chez ses followers.

La communication est nécessaire dans notre monde, pour valoriser des idées, informer et nourrir la rationalité de notre public, mais elle peut et doit toujours se faire avec authenticité, dans le respect de l’intelligence de celui-ci et en refusant la démagogie et la manipulation de tout type.