Le storytelling possède de nombreuses qualités.

Savoir raconter une histoire c’est sans doute le meilleur moyen de capter l’attention d’un public, l’intéresser et susciter son engouement autour de nos idées, en tant qu’orateurs.

Les meilleures marques sont également celles qui ont réussi, au delà de la production de produits ou services de qualité, à transmettre à leurs utilisateurs une histoire iconique, des valeurs, des enseignements aspirationels, de telle sorte que l’on ait envie d’y adhérer, et que l’on conçoive souvent l’acte d’achat comme l’expression de notre volonté de faire partie de l’histoire qu’ils nous racontent.

Cela devient plus problématique lorsqu’au lieu d’utiliser le Storytelling pour valoriser une idée ou un produit qui apporte du progrès, qui améliore le quotidien du plus grand nombre, on l’utilise, à l’inverse, pour frustrer et responsabiliser individuellement tous ceux à qui l’ascenseur social fait défaut.

A ce propos, des gurus du Storytelling comme Kindra Hall ou Tony Robbins sont passés maîtres de la pensée positive, soutenant que l’on doit croire en ses rêves aveuglement et que si vous ne parvenez pas à atteindre vos objectifs dans la vie, c’est essentiellement parce que vous vous racontez une histoire à vous même, qui vous empêche d’y parvenir.

Une histoire négative, des justifications de ne pas y arriver, et qu’il suffirait juste, par conséquent, de changer cette histoire (et participer à leurs séminaires, surtout) pour devenir un winner à l’américaine.

 

Cette thèse, qu’on se le dise, c’est du bullshit.

 

La pensée positive envahit les réseaux sociaux, nombre de bloggeurs, instagrameuses et « influenceurs » en tous genres se font les relais inconscients de cette thèse absurde, avec généralement un seul objectif : utiliser leur réussite personnelle comme modèle, pour créer un certain sentiment d’insuffisance augmentant notre probabilité d’envisager les innombrables produits tagués sur leurs photos, comme de bonnes façons de pouvoir se consoler.

En effet, il n’existe aucune preuve scientifique prouvant que penser positif attrairait davantage de bonheurs personnels, de la même façon que nous ne sommes pas Cendrillon pour croire bêtement que tous nos rêves deviendront un jour réalité.

Ainsi, les histoires personnelles de personnes ayant réussi perso ou professionnellement restent intéressantes, mais que si l’on réussit à en extraire des enseignements utiles et humanistes, tels que l’entraide, ne jamais cesser d’apprendre, de lire des livres, de voyager, de manger sainement, faire du sport, ou encore apprendre à démontrer davantage de compassion autour de soi, par exemple.

Alors qu’à l’inverse, user de ses privilèges sociaux, pour en austenter des raisons méritocratiques biaisées, et faire son marchant de sommeil auprès de ses followers, c’est effectivement utiliser ce fameux côté obscur du Storytelling.

De la même façon, que tous ceux qui défendent au quotidien toutes ces thèses du dépassement de soi, de comment devenir plus productif, aimer son job et trouver son bonheur au travail, sont souvent sans le savoir, les petits soldats de l’insuffisance, qui perpétuent des mythes servant à créer une pression sociale supplémentaire sur les travailleurs et les responsabiliser individuellement des souffrances que l’hyper productivisme inflige actuellement en France et partout dans le monde.

 

Et en ce sens, se trouver une bonne raison de se satisfaire de sa condition, de ce que l’on possède ou de ce que l’on a accompli, et ne pas croire jusqu’à la fin de ses jours que notre vie a été écrite par Walt Disney ou que l’on deviendra comme telle ou telle célébrité, ce n’est pas se raconter une mauvaise histoire, mais c’est à l’inverse plutôt celui-ci le chemin du bonheur, c’est faire preuve de sagesse, zéler pour son equilibre personnel et sa santé mentale.