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03 Août 2016

Discours à la mutualité : Comment Emmanuel Macron à tout copié sur Apple.

Je suis personnellement de l’avis que la rhétorique persuasive devrait être enseignée à l’école et ce depuis le plus jeune âge. Il serait ainsi beaucoup plus facile pour chacun d’entre nous de réussir à décrypter le discours de ceux qui tentent de nous convaincre de les suivre.

Car croyez moi, lorsque vous connaissez les quelques artifices de la persuasion, les discours des politiques et gourous en tout genre, qui chantent des lendemains où chacun pourra atteindre son potentiel, deviennent tout de suite moins convaincants.

Depuis quelques mois Emmanuel Macron a lancé un mouvement appelé « En marche » et a animé plusieurs meetings dans le but de rassembler des personnalités de tout bord autour d’un projet pour l’élection de 2017.

Emmanuel Macron a par ailleurs surpris les spécialistes politiques en ayant récemment adopté un style de discours politique mis en scène à la façon d’Apple. Les fameuses Keynotes.

Au delà de certains éléments scéniques communs (pas de pupitre, orateur qui se déplace sur scène, pas de cravate, micro à chef, etc) en regardant la video de son intervention, ce qui nous a frappé ce sont surtout les techniques de storytelling et de persuasion utilisées par Emmanuel Macron, et qui nous ont paru très inspirées des grands oraux de la firme de Cupertino.

Aujourd’hui nous vous proposons donc de les décrypter ensemble et de découvrir comment se construisent ces discours capables de mobiliser les foules :

 

1. Un « Think different » façon Macron :

 

Tous les gourous utilisent cette fameuse technique du « penser différemment. ».

Apple connue pour ses communicants capables de susciter l’engouement autour de leurs solutions comme personne, a souvent eu recours à cette technique de persuasion.

Lors du lancement de l’iPhone 6, Apple a commencé sa keynote par une petite vidéo avec un discours visant à différencier ses utilisateurs du reste du monde, en valorisant leurs choix de consommer Apple, qui feraient d’eux des êtres à part, plus clairvoyants.

 

Extrait :
« Nous nous adressons à tous ceux qui voient les choses différemment. Ceux qui suivent une vision, pas un chemin. Tandis que d’autres sont distraits par la nouveauté, vous vous concentrez sur ce qui est essentiel. Même avant que vous ne puissiez voir comment, vous n’avez jamais douté que nous puissions changer les choses. Et puis nous avons changé les choses ensemble, encore et encore. Ce sont les optimistes comme vous qui font progresser le monde. Continuez donc à voir les choses différemment. Gardez l’idée qu’il existe toujours une autre ou même meilleure façon de faire. Vous êtes la différence entre le monde tel qu’il existait et le meilleur endroit qu’il va devenir. Etre différent, c’est la seule chose à propos de nous qui ne changera jamais’’.

De la même façon, Emmanuel Macron commence dès le début de son intervention par décrire l’image qu’il souhaite donner de ses militants. Celle d’un mouvement qui n’est pas « un rassemblement de semblables », de personnes qui à l’inverse sont « en dehors du parti ».  Il dit même qu’ils sont « mal vus » qu’ils « prennent des risques » en le rejoignant.

On le voit ici clairement dans cette vidéo, Emmanuel Macron souhaite dès les premiers instants offrir une cause commune, offrir une mission à son auditoire, en le valorisant par le choix différenciateur et de clairvoyance qu’ils ont fait en le rejoignant.

La ressemblance avec le discours « think different » que tient Apple est plus que flagrante. Il s’agit là d’une technique habile de persuasion pour mobiliser les foules, que Macron n’utilise pas par hasard.

 

2. Opportunités, menaces, problématique :

 

Autre comparaison possible avec Apple, il s’agit de l’introduction d’une problématique centrale à chaque discours.

Apple ne vend pas de produits, la firme se positionne comme créatrice des solutions aux problèmes de ses utilisateurs (et du monde en général).

Avant d’annoncer un nouvel iPhone, ils prennent le soin à chaque fois de faire émerger une problématique en amont, justifiant l’annonce de leur nouveau produit. C’est un cas d’école de Storytelling, que vous pouvez retrouver dans toutes leurs keynotes.

Pour le discours de la Mutualité nous retrouvons le même paradigme.

En effet, avant de proposer sa vision pour la France, en bon storyteller, Emmanuel Macron commence par faire un diagnostic.

Il commencera logiquement par susciter l’espoir d’un lendemain qui chante : Il dira que« l’espoir est possible », que le peuple a « soif de changement ».

Puis il juxtaposera à la suite, les problèmes qu’il identifie dans notre société. Il évoquera « le pays usé par les promesses non tenues”, “ le monde qui change”, etc…

Le but étant de réussir à faire émerger la ou les problématiques à laquelle il souhaite répondre par son mouvement, comme nous pouvons le voir dans cet extrait que nous avons compilé :

3. Un projet pour la France sous forme de règle de 3 :

 

Apple est connu pour utiliser cette fameuse règle de 3. Leurs keynotes ont généralement 3 grandes parties, 3 grandes annonces, 3 produits, 3 types de prix etc.

Cette règle de 3 est très efficace en rhétorique tout simplement parce que l’être humain a des difficultés à mémoriser plus de 3 informations à la fois. Ainsi, en utilisant cette règle de trois, on aide notre public à retenir plus facilement un ensemble d’informations complexes, et s’il retient davantage, il est donc plus facile de le convaincre.

Emmanuel Macron se servira de cela à plusieurs reprises, mais surtout lorsqu’il présentera sa solution, son projet pour la France.

 

C’est ce qu’il appelle ses 3 convictions :

 

–       liberer le pays

–       le rendre plus solidaire,

–       et partie prenante d’un projet européen plus fort et tourné vers le monde

 

Encore une fois, le choix de ce triptyque n’est pas un hasard et n’est pas sans rappeler Apple et les techniques de rhétorique qu’ils utilisent.

 

4. La Démonstration par l’exemple :

 

Le recours aux exemples pratiques est un excellent moyen de convaincre un auditoire.

Toutes les présentations d’Apple sont couronnées de démonstrations produit, d’exemples de comment cela fonctionne.  Pour cela, Tim Cook évoque souvent des cas client ou invite parfois même des partenaires pour partager leurs expériences. Des exemples généralement choisis à la loupe et qui se veulent évocateurs.

Emmanuel Macron, à la Mutualité, a utilisé cette même technique pour illustrer sa vision de la France, en évoquant l’histoire de Malika,  une jeune fille à qui il a récemment offert une décoration.

Si l’exemple choisi peut être considéré comme caricatural et même douteux, il se verra néanmoins applaudir, tant il représente un témoignage de tolérance et allant dans le sens du positionnement que souhaite tenir l’actuel ministre de l’économie.

Une fois de plus, il s’agit là d’une utilisation tout sauf innocente et qui a pour vocation de faire la démonstration par l’exemple et de marquer les esprits par la charge émotionnelle de l’histoire choisie. Son visage à la fin de la vidéo est digne d’un acteur studio :D

 

5.L’utilisation de contrastes pour justifier le libéralisme :

 

La meilleure façon de convaincre un public c’est de réussir à juxtaposer la réalité d’aujourd’hui à celle de demain, embellie par la possibilité d’acquérir l’idée ou le produit que vous souhaitez lui vendre.

Apple le fait très bien et je vous invite à découvrir la keynote de lancement de l’iPhone, premier du nom, lorsque Steve Jobs, pour introduire un écran tactile ne nécessitant pas de stylet, amuse le public en faisant cet aller et retour entre ce qui existait en 2007 (Smartphones à boutons) et l’iPhone (à écran tactile capacitif)

C’est un classique en rhétorique persuasive.

Dans le même registre, Emmanuel Macron aura très souvent recours à cette technique pour convaincre son auditoire des biens faits d’une politique libérale. Les allers -retours entre « problèmes » et « solutions » sont flagrants et je vous invite à les découvrir dans cette vidéo que nous avons compilé.

Si l’être humain propose naturellement une certaine résistance au changement de comportement et fait émerger automatiquement dans son esprit des problèmes aux solutions proposées, la meilleure façon pour l’orateur de lever ces objections s’est bien évidemment de réussir à juxtaposer, solutions mises en valeur et alternatives moins appellatives.  C’est ce que fait Emmanuel Macron tout au long de son discours et ce qui lui permet souvent de convaincre méthodiquement, sans pour autant que les solutions avancées soient les plus adaptées. Mais davantage par la fluidité de raisonnement qu’il propose à son public.

 

6. Craintes collectives, aspirations de chacun et histoires personnelles : Le recours au pathos  

 

L’être humain n’agit jamais motivé uniquement par la seule raison, par les seuls faits et chiffres soutenant un argument. Pour le convaincre vous devez réussir à faire appel à ses émotions, à ses peurs tout comme à ses aspirations. C’est le fameux Pathos.

Si toutes les keynotes d’Apple sont riches en pathos (histoires, émerveillement, humour, potentialisation), nous pouvons également retrouver tout cela dans le discours d’Emmanuel Macron.

Tout au long de son intervention il ne cessera d’appeler aux peurs de chacun, aux ambitions également, rappellera qu’un meilleur futur est possible, un futur dans lequel chacun pourra atteindre son propre potentiel. Le tout, sans oublier des histoires personnelles et l’hommage, mis en scène, à Michel Rocard, pour ajouter une touche plus sentimentale à son oral.

Cet extrait le démontre parfaitement :

Toutes ces techniques ne sont pas innocentes, une fois de plus, et font partie de l’éventail de la rhétorique persuasive, que Macron utilise ici avec une certaine maîtrise.

 

7. Le call to action :

 

Tout oral a pour objectif de convaincre un public et le mener à l’action.

C’était sûrement le moment le plus attendu de l’intervention de la Mutualité. Si pour une keynote d’Apple le call-to-action est le moment où Steve Jobs annonçait le prix et la date de sortie des premiers iPhones, pour Emmanuel Macron, c’est le moment où l’ensemble des participants s’attendait sûrement à une annonce de candidature.

 

« Qu’attend-il de nous ? »

 

A cette question tacite que le public devait se poser, Emmanuel Macron restera dans la suggestion subtile. Il évoquera « une mission collective », avec la « nécessité de porter une vision, de changer le pays », en allant « taper aux portes, rencontrer les vrais problèmes » et essayer de rassembler le plus grand nombre.

Ici la règle du call to action est respectée et facilement identifiable dans son discours.

 

8. La bouteille d’eau :

 

Si les ressemblances dans la forme entre Steve Jobs et Emmanuel Macron sont flagrantes, l’utilisation de la bouteille d’eau pour temporiser son discours peut également être soulignée. Nécessité physiologique incontestable ou mise en scène, le mystère reste entier… :D

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Pour conclure :

Dans cet article, nous souhaitions essentiellement vous proposer un décryptage de la rhétorique politique pour permettre à chacun de posséder davantage de filtres lorsque vous assistez à ce genre de discours. Afin que vous puissiez plus facilement juger les politiques sur les idées, sur le fond, sans le biais que représente toujours les éléments rhétoriques de forme.

 

Michael Dias
m.dias@spitchconsulting.com

Fondateur de Spitch, Storyteller, Speaker, Coach de Dirigeants et grand passionné de Présentations. ll est professionnellement issu du Marketing et de l’univers de la Téléphonie Mobile.   Retrouvez le sur Twitter et Linkedin !



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